Si vous avez déjà fait un test d'empreinte carbone, vous aurez peut-être remarqué une catégorie assez étonnante : les services publics. Environ 1 tonne sur les 10 tonnes de CO₂ₑ de moyenne française en ordre de grandeur, cela peut sembler peu... Seulement, pour ceux et celles qui adoptent un mode de vie plutôt bas carbone, et plus généralement par rapport à l'objectif de 2 tonnes d'empreinte individuelle (rappelons que l'important n'est pas l'objectif mais le scénario de transition, 1 tonne peut légitimement ressembler à un éléphant dans la pièce !

Dans cet article, on vous dit tout sur ce fameux poste "services publics" ou désormais "services sociétaux" dans NGC : comment il est calculé, de quoi il est composé, et comment nous venons d'utiliser ces chiffres pour faire une ✨ nouvelle version du modèle de calcul de nosgestesclimat.fr .

Le français moyen émet 8,9 tonnes (novembre 2022)

La France, comme bien d'autres pays, s'est fixée des engagements de réduction de son empreinte climat et a défini une stratégie pour y arriver.

Pour y arriver, il faut évidemment savoir où on en est aujourd'hui et comment ça évolue chaque année.

C'est la mission du Service des données et études statistiques du Ministère de l'Écologie, qui l'estime à 8,9 tonnes par personne en 2021.

Comment ce chiffre est-il calculé ? La méthode de calcul est astucieuse et transparente mais relativement ardue à comprendre, nous allons donc tenter de l'expliquer ici plus simplement.

À la base, pour calculer une empreinte climat, il faut forcément partir d'une réalité physique. On doit calculer les émissions de gaz à effet de serre réelles (enfin, l'estimer) d'une action concrète : par exemple on sait que brûler 1 litre d'essence en voiture, cela émet environ 2,7 kg de CO₂ₑ. Ensuite, il nous est possible de compter les litres de diesel brûlés par les semi-remorques français, par les péniches sur les fleuves, par les bateaux, les avions, etc.

Le problème alors, est de dériver l'empreinte des autres secteurs, qui ne brûlent pas directement ces combustibles fossiles. Par exemple, un hôpital achète des meubles en bois mais ne les a pas fabriqués ni transportés lui-même. Ces meubles sont découpés dans une usine, qui les as achetés. Pour cela, un camion leur a livré des planches de bois. Ce bois a été traité par l'industrie chimique, et produit par la filière de la sylviculture (la gestion du bois de forêt), qui utilise des tronçonneuses diesel, etc.

L'administration n'a pas la description précise de toutes ces transactions (kg de bois, volume de pétrole et de peinture, etc.), mais elle dispose par contre des échanges en € entre tous ces secteurs, à un niveau aggrégé sur l'année, qu'on appelle macro. Grâce à ces échanges monétaires, un calcul matriciel permet d'attribuer à chaque secteur l'empreinte carbone de sa valeur ajoutée !

Pour simplifier : nous obtenons donc une estimation des émissions de gaz à effet de serre selon quel secteur a acheté à quel autre secteur. Pour en revenir à notre exemple de l’hôpital, nous pouvons donc estimer l’empreinte carbone du secteur de la santé, même si le détail exact de chaque consommation de chaque hôpital n'est pas connu.

Ces calculs sont faits périodiquement. La dernière mouture précise vaut pour l'année 2017, et la dernière estimation (moins précise) vaut pour 2021.

Définir le périmètre d'une base attribuée à chaque français

En sommant l'empreinte de tous ces secteurs, divisée par la population du pays, cela donne l'empreinte par personne dite "macro".

En parallèle, le modèle de calcul de nosgestesclimat est une compilation de modèles dits "micro" : on vous pose une multitude de questions pour reconstituer votre empreinte carbone à partir de données physiques de consommation.

Ce sont là deux perspectives sur une même réalité physique, deux méthodes très différentes produisant deux chiffres, qui heureusement convergent autour de 9 tonnes de CO₂ₑ.

Ces deux méthodes sont bien différentes mais sont pour autant complémentaires : en effet, l'analyse par consommations ne peut pas capter l'ensemble des émissions d'un Français. Si la méthode micro de nosgestesclimat permet de facilement calculer l'empreinte de vos kilomètres en voiture, elle est bien incapable d'estimer l'empreinte des services publics que vous utilisez de façon diffuse toute l'année, ainsi que des services commerciaux tels que le réseau internet fibré et mobile dont profitent (certes de façon variable) l'essentiel de la population de façon latente. Il nous est donc nécessaire d'adopter un modèle hybride, qui mélange micro et macro.

La photo d'en-tête de cet article illustre bien le problème : il est facile d'estimer l'empreinte climat du camion, de la voiture et de la moto. Mais qu'en est-il de l'empreinte de cette route régulièrement rebitumée ? De la maintenance de la signalisation routière ? De l'empreinte de fonctionnement de l'assemblée nationale elle-même ?

L'objectif est alors de définir le périmètre de ces mondes complémentaires pour éviter aux mieux les doubles comptages, et ainsi obtenir la valeur finale de la constante services sociétaux, somme des services publics et de services commerciaux, attribuée à chaque français.

Un premier calcul

Nous avons donc analysé les données d'empreinte macro, partagées par le SDES, par secteur ligne par ligne, pour en inclure une part, de 0 à 100%, à l'empreinte des services sociétaux.

Rappelons que l'objectif reste toujours d'obtenir des ordres de grandeur : il ne s'agit pas de prétendre à un résultat à la dizaine de kg de CO2 près. Rappelons à cet égard que nos objectifs climat ciblent une réduction de 90% de notre empreinte.

La ligne "Administration publique et défense" est évidemment incluse d'office à 100% dans les services publics : le citoyen n'a d'influence sur ces postes régaliens que par son vote et son engagement public. Il en est de même pour la ligne "Enseignement".

En revanche, les choses se compliquent par exemple pour le poste "🏗️ construction" : il comprend de nombreuses activités diverses profitant à l'ensemble de la société, or nous n'avons pas le détail de leur empreinte carbone. Une allocation est donc effectuée sur la base du chiffre d'affaire des sous-branches et sous-sous-branches publié par l'INSEE, ce sont les % que vous pouvez voir apparaître dans notre documentation.

En savoir plus sur la ventilation par chiffre d'affaire des données carbone du SDES

> Les données fournies par le SDES donnent une empreinte carbone correspondant à ce qui est consommé sur le territoire français par branche économique (ex: E36 = réseau de distribution de l'eau = 677 kTCO₂ₑ) ou bien par groupement de branches économiques (ex: F41_43 = Construction = 54116 kTCO₂ₑ). Pour cette donnée, il y a un donc un premier niveau d'agrégation que nous avons choisi de désagréger selon la part de chiffre d'affaire de la branche dans le groupement proposé par le SDES (ex: pour F41_43, on a F41=25%, F42=13.5%, F43=61.5%) > > Certaines données sont secrètes, nous avons fait l'hypothèse que ces données l'étaient également pour le calcul de l'empreinte carbone nationale. Faute d'informations supplémentaires, nous avons choisi de ne pas les considérer dans ces calculs de décomposition. > > Pour aller encore plus loin, nous avions parfois besoin d'un niveau de précision plus important en s'intéressant aux sous-branches économiques. En effet, si on prend l'exemple de E38 relatif à la collecte des déchets, seules les sous branches E3812 et E3822, concernant les déchets dangereux, étaient à inclure dans les services publics. Nous avons donc également utilisé la décomposition par chiffre d'affaire pour ressortir l'intensité carbone associées aux sous-branche en question au sein de E38.

En ce qui concerne les services marchands, nous avons tâché d'inclure dans l'empreinte de base les consommations relativement universelles (tout le monde doit par exemple souscrire à une assurance habitation) ou celles qui ne sont pas encore prises en compte par nos modèles micro (par exemple, la consommation de services de télécommunications) mais qui le seront peut-être un jour.

Si cela vous intéresse, vous pouvez explorer notre documentation qui explique et justifie cette attribution via les pages services publics et services marchands. C'est assez "expert", nous avons fait au mieux pour une première version, vos retours seront précieux.

Le résultat

Voici une photographie de notre modèle hybride.

⚠️ Attention, ne voyez pas dans ce graphique une valeur moyenne fiable de l'empreinte climat d'un français, contrairement au chiffre de 8,9t du SDES, mais simplement l'anatomie de notre modèle de calcul hybride. Les valeurs sont susceptibles de changer régulièrement, en toute transparence.

L'objectif de Nos Gestes Climat reste d'estimer l'empreinte associée au mode de vie d'une personne réelle. À ce propos, l'objectif des prochaines versions est justement de couvrir de nombreux postes pour l'instant laissés de côté 🐕️⛴️🛵⚡️🏡. À bientôt !